Yves dans le carcan du cadreLe temps, la durée...
Moi j'ai envie de parler du temps, de la durée. être présent dans le temps. Donner au client du temps. Qu'il puisse sentir qu'il a tout son temps. Etre simplement là, paisible, dans la durée.
Pour moi, c'est indispensable d'aller au bout du rythme du client, ne pas l'interrompre parce que ce serait l'heure.
Ca me fait faire des séances qui durent 1h1/2 à 2 heures, et immanquablement en laissant faire, j'arrive au bout du développement du client. Il ressort apaisé avec le sentiment d'avoir tout dit ce qu'il avait à dire pour cette fois là. Et moi ça me procure une grande joie de le voir partir ravi.
Alors franchement je ne comprends pas trop les durées d'une 1/2 heure à 3/4 d'heure qui sont couramment pratiquées. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que c'est pour des raisons économiques. J'ai la chance de ne pas être assujetti à cette raison là.
Mais mettons de côté la durée de la séance... Chacun son rythme, après tout....
Je voudrais insister sur la notion de simplement donner du temps.
Quand j'étais très malade, j'allais voir un psychiatre qui me recevait toutes les semaines 1/2 heure. D'après mes critères actuels, c'était pas beaucoup, mais c'était long, car je ne disais rien. Mais c'était très intense, très concentré dans le vécu, car nous étions face à face et il me regardait en souriant. Quelquefois il me prenait la main.
Il est mort dans un accident et ensuite j'en ai vu un autre qui fumait sa pipe en regardant le plafond. Drôle de conception de la psychothérapie, n'est -ce pas ? J'ai fini par laisser tomber.
Le temps que m'avait donné le premier m'a été très profitable. Je me suis senti pris en considération de par la patience que je lui trouvais à me recevoir toutes les semaines avec chaleur confiance et persévérance. Je me suis senti considéré comme une personne, libre et responsable, et ça m'a donné la force de continuer avec d'autres.
Tout ça pour dire que j'attache beaucoup d'importance à la durée, même et surtout si elle se fait dans le silence.
Yves
2 commentaires:
Depuis que j'ai lu ta réflexion sur le temps, Yves, cette question est en moi. Aujourd'hui seulement je prends le temps d'en exprimer quelques mots.
Je suis totalement en accord avec cette phrase que tu emploies en parlant du client :" Qu'il sente qu'il a tout le temps."
Tout le temps et tout l'espace....c'est -à-dire toute la liberté de dire, d'explorer, de parler ou de se taire. C'est une garantie de pouvoir prendre le temps pour soi, sans limite et sans crainte, avec la sécurité de ce temps qui est entièrement pour soi, qui est entièrement donné sans conditions. Il me semble que l'argent est, la plupart du temps, une des conditions de cette liberté, mais il peut y avoir des exceptions.
Un temps structuré : le temps nécessaire pour chaque client est variable. Pour certains 45 minutes qui reviennent régulièrement chaque semaine, c'est déjà beaucoup. Pour d'autres, il faudra davantage et une heure et demie sera nécessaire. Bien sûr, la limite de temps donnée est liée à l'organisation du temps du thérapeute et donc aussi à l'argent ; cette limite est aussi une garantie de la disponibilté totale de l'écoutant : personellement, je ne peux pas écouter avec la même qualité pendant un temps qui ne serait pas limité et qui s'étirerait en longueur. Mais selon les pratiques et les circonstances, je pense qu'il y a différentes manières de structurer le temps.
La symbolique du temps : je pense qu'il existe aussi une autre raison à la limite donnée pour le temps d'un entretien. Chuck nous disait que le temps d'un entretien en psychothérapie était le symbole du temps de la vie : le client apprend à utiliser le temps de l'entretien et il apprend en même temps à utiliser le temps de sa vie ; utiliser est dans ce cas, je crois, synonyme de choisir : le client apprend à choisir sa vie en apprenant à utiliser au mieux pour lui, la disponibilité que lui offre le thérapeute pendant le temps limité de l'entretien.
Le processus : je remarque que le temps a également son importance dans la durée. Le temps se construit heure après heure, semaine après semaine. Il y a aussi un vécu du temps qui apparaît plus ou moins long, entre les entretiens. Souvent les clients demandent, lorsqu'ils vont mieux et deviennent plus autonomes, à espacer les séances : tous les quinze jours est un bon rythme pour beaucoup. Plusieurs personnes viennent une fois par mois, et au point de leur processus, c'est un rythme qui semble efficace.
Le temps me semble au centre du processus thérapeutique et dans cette gestion du temps, peuvent se vivre les différences et les paradoxes. J'ai besoin que le temps soit modulable et libre tout en étant structuré.
Josette
la lecture de vos 2 réfléxions m'a amenée à réfléchir à ce que représente pour moi cette question du temps en séance.
je vais essayer de le poser là : souvent je n'osais pas au début, couper la personne quand l'heure était passée, et il est vrai que je terminais les séances en vivant avec la personne un temps clos, je veux dire où on avait démêlé quelque chose d'important et la personne satisfaite me renvoyait une image d'un "bon travail".
Aujourd'hui je limite mes entretiens à une heure, me disant que c'est une belle offre en quelque sorte.
Pour un client en particulier qui dépassait beaucoup et qui en était géné lorsqu'il s'en apercevait, je préviens qu'il nous reste 5 ou 10 mn par exemple.
Donc pour moi la limite temporelle fait partie du cadre, elle structure l'acte thérapeutique et me permet d'être en pleine écoute durant ce moment.
C'est comme quelque chose de clos avec de la densité dedans. il y a un dedans et un dehors, une frontière souple mais fermée. On le sait tous les 2, le client et moi et on s'y meut ensemble.
Voilà les mots et les images qui m'habitent lorsque je cherche ce qu'évoque pour moi, aujourd'hui cette notion de temps.
1 mars 2009 22:06